Jusqu’ici, tout va bien. Bien qu’elle soit historique et qu’elle vienne jouer les trouble-fête, l’augmentation des taux d’intérêt annoncée par Christine Lagarde, la Présidente de la Banque centrale européenne, le 9 juin dernier ne devrait pas complètement anesthésier le marché immobilier espagnol (ni français d’ailleurs) à court terme. Mais il faut ouvrir les yeux. La récréation est bien finie et certains curseurs ont déjà bougé. Explications.
Table des matières
- 1 – Conséquence de la hausse des taux directeurs : pourquoi la sphère immobilière est impactée ?
- 2 – Les taux directeurs, kesako et quel est leur impact sur l’acquéreur ?
- 3 – Hausse des taux d’intérêt : quelle évolution à court et moyen terme ?
- 4 – L’indice Euribor, c’est quoi ?
- 5 – L’indice Euribor grimpe, et alors : quelles conséquences ?
- 6 – Hausse des taux : concrètement, ça donne quoi pour votre portefeuille ?
- 7 – Et les prix alors, qu’est-ce qu’ils disent les prix ?
- 8 – Le marché entre dans une phase de turbulences mais avons-nous des raisons d’espérer ?
1 – Conséquence de la hausse des taux directeurs : pourquoi la sphère immobilière est impactée ?
Depuis plusieurs mois, le marché immobilier espagnol est en pleine santé. Les chiffres donnés par les Registradores de España (ndlr : les greffiers d’Espagne) font état de 600.000 ventes réalisées en 2021 et d’une hausse de 14,1% des acquisitions au premier trimestre 2022. Dans ce contexte réjouissant, l’annonce chargée de préparer les esprits à la hausse des taux directeurs en mai dernier par Christine Lagarde a fait trembler la sphère immobilière et, avec eux, l’ensemble des acteurs économiques, les consommateurs et même les Etats. Le 10 juin, la BCE a précisé son calendrier : cette hausse interviendra en deux temps, une première est prévue en juillet 2022 et l’autre en septembre. Alors, pourquoi se devait-elle d’intervenir ? C’est simple : pour mettre un coup de frein à la spirale inflationniste. Au mois de mai 2022, dans la zone euro, l’inflation a atteint 8,1% sur un an. Un record. C’est plus de 4 fois les objectifs de la BCE qui se doit de tenir les rênes et de ne pas voir l’inflation dépasser 2%. On est loin du compte. Source : Eurostat En Espagne, la hausse des prix est la plus forte jamais enregistrée depuis 37 ans ! Les aliments ont augmenté de 11,4 %, l’énergie de 37%, les services de 5,7%. L’IPC, L’Indice des Prix à la Consommation a atteint 8,7 % en mai 2022 (source : INE) Évolution de l’IPC en Espagne. Source : INE L’impact de l’inflation sur le secteur immobilier est aussi une réalité. Le prix des biens a augmenté, dans le neuf comme dans l’ancien d’environ 2-3% selon le président de l’Association Nationale des Agents Immobiliers de l’Espagne (ANAI) Vicenç Hernández Reche. Comme Jerome Powell, le président de la Réserve Fédérale Américaine (FED) et Andrew Bailey celui de la Banque d’Angleterre avant elle, Christine Lagarde a donc dû changer son fusil d’épaule. Pour la première fois depuis 2011, elle s’est vue obligée de réagir face à cette inflation incontrôlable. L’attaque de la Russie en Ukraine a créé un choc sur l’économie mondiale et une « incertitude considérable pour les perspectives économiques ». La guerre a accéléré l’inflation. La situation est devenue intenable. Juillet 2022 restera donc dans l’Histoire comme le mois où s’est refermée la longue parenthèse pendant laquelle la BCE a stimulé la croissance (la consommation, les investissements) grâce à des taux directeurs négatifs. Elle doit aujourd’hui créer les conditions de la baisse des prix. Source : BCE
2 – Les taux directeurs, kesako et quel est leur impact sur l’acquéreur ?
Les 3 taux directeurs de la BCE sont les suivants : le taux de refinancement, le taux de rémunération des dépôts et le taux de prêt marginal. Ce qui compte pour nous, c’est le taux de refinancement. Alors, à quoi sert-il ? Le taux de refinancement est le taux d’intérêt fixé par la BCE pour les prêts qu’elle octroie aux banques commerciales car vous n’êtes pas seul, elles aussi sont endettées ! C’est donc quasiment mécanique : les banques vont elles aussi devoir relever leurs taux d’intérèt si elles veulent maintenir un bon niveau de rentabilité et continuer à gagner de l’argent. Au bout de la chaîne des taux, c’est donc le consommateur et dans notre cas, l’acquéreur, qui se voit pénalisé. Emprunter va coûter plus cher car les taux immobiliers vont grimper et sera donc moins attractif. En toute logique, le vendeur, lui, devrait vendre plus difficilement. CQFD.
3 – Hausse des taux d’intérêt : quelle évolution à court et moyen terme ?
A l’heure où l’on écrit ces lignes, le 15 juin 2022, les taux de la BCE sont toujours négatifs. Ils sont à -0,50%. La première hausse prévue par le conseil des gouverneurs de la BCE devrait être de 25 points de base. Le taux directeurs seraient donc toujours négatifs, à -0,25 %. Une deuxième hausse devrait intervenir après l’été mais rien n’a été précisé à ce sujet. Les experts évoquent la possibilité d’une hausse de 50 points de base. Si cela se produisait, on basculerait dans une nouvelle ère pour l’économie en zone euro : celle des taux positifs. Pablo Hernández de Cos, qui dirige la Banque d’Espagne, table sur ce scenario pour la fin 2022, les taux graviteraient alors autour de 1%.
4 – L’indice Euribor, c’est quoi ?
L’indice Euribor, c’est le « European Interbank Offered Rate », si vous n’êtes pas bilingue et pour faire simple, il s’agit du taux interbancaire en Europe. Autrement dit, c’est l’intérêt payé par les banques qui empruntent auprès d’autres banques dans la zone euro. Ce sont ces mêmes prêts qu’elles accordent à leurs clients, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises. Ce taux est calculé chaque jour et n’a aucune influence sur un prêt à taux fixe mais joue, évidemment, sur les prêts souscrits à taux variables. Compte tenu du contexte économique favorable, ils avaient la cote ces dernières années. Si les taux directeurs augmentent, l’Euribor suit lui aussi une courbe ascendante. Comme dans un jeu de dominos, c’est encore l’acquéreur qui sera pénalisé. Il est donc probable que les acheteurs potentiels soient plus frileux, découragés par cette hausse. Quelle est la situation aujourd’hui ? Eh bien, l’indice Euribor a anticipé la hausse des taux prévue en juillet. Il a déjà augmenté. Et cela mérite qu’on s’y arrête car cette évolution de l’Euribor a été historique. Évolution de l’Euribor. Source : Banque d’Espagne Depuis le 5 février 2016, cet indice était en territoire négatif. En avril dernier, avant même les annonces officielles de Christine Lagarde, il est redevenu positif pour la première fois en atteignant 0,005%. En juin, sous l’effet des premiers communiqués de la BCE, la moyenne prévisionnelle mensuelle de l’indice Euribor à 12 mois a grimpé à 0,52%. Aujourd’hui, le 15 juin, il est à 0,614%. Rien ne semble pouvoir freiner sa course. Plus inquiétant, une étude de Caixabank, basée sur des données de marché, indique que l’Euribor à 12 mois pourrait atteindre 1% avant la fin de l’année. Ce niveau de hausse couplé à l’inflation -qui ne va pas disparaitre du jour au lendemain malgré les leviers actionnés par la BCE- impliquera une double perte du pouvoir d’achat. On ne peut pas se voiler la face, cette tendance à la hausse aura forcément un impact sur les crédits immobiliers. Et c’est même déjà le cas.
5 – L’indice Euribor grimpe, et alors : quelles conséquences ?
- Les banques se protègent
Pour se protéger, les banques ont décidé de prendre une longueur d’avance : depuis le mois de mars, en zone euro, elles facturent plus pour l’argent qu’elles prêtent. Autrement dit, elles remontent doucement leur taux. Elles durcissent aussi parfois les conditions d’accès au crédit immobilier. Si votre dossier n’est pas assez solide (peu d’apport, des emplois instables…) ou que vous êtes primo-accédant, vous risquez donc de devoir batailler pour obtenir un crédit immobilier favorable. Si vous êtes investisseur, vous serez vous aussi freiné car votre taux d’endettement augmentera. La hausse des taux vient en effet diminuer la capacité d’emprunt.
- Hausse des mensualités et allongement de la durée
La hausse des taux entraîne une hausse des mensualités ou un allongement de la durée des prêts pour l’acquéreur. C’est le seul moyen de contrecarrer ces effets négatifs et de relativiser leur impact sur votre compte en banque.
- Explosion des prêts immobiliers à taux fixe
Selon les dernières données de l’INE concernant la nature des prêts bancaires attribués, 73,8 % des prêts signés en février et mars 2022 en Espagne l’ont été à taux fixe, le chiffre le plus haut jamais enregistré. Une tendance qui devrait s’installer car les acquéreurs recherchent la sécurité. Bon à savoir, si votre taux est variable, vous pouvez le faire modifier pour choisir un taux fixe ou faire annuler votre prêt pour en souscrire un nouveau à taux fixe. Attention, pour effectuer cette modification -qui est évidemment plus défavorable à votre banque- elle risque de vous demander une contrepartie ou de vous faire payer des pénalités. Cela n’est pas forcément négatif car votre nouveau crédit sera moins risqué. N´hésitez pas à vous rapprocher de votre banquier et à regarder ça de près.
6 – Hausse des taux : concrètement, ça donne quoi pour votre portefeuille ?
Selon les spécialistes, à titre d’exemple, pour emprunter 200.000 euros au taux de 1 % sur 20 ans, il fallait rembourser 953 euros par mois en janvier 2022. Aujourd’hui, le taux est plutôt aux alentours de 1,5% et il faut donc débourser 998 euros par mois. Demain, on pourrait arriver à des taux à 2% et donc à des mensualités de 1 045 euros. Pour le moment, les chiffres ne sont pas si terribles mais il convient de rester en alerte. En Espagne, le taux moyen des prêts accordés en avril était de 1,54% selon les données de la Banque d’Espagne. Le prêt est donc un peu plus cher mais «loin de niveaux préoccupants» selon Ana Pitarch, responsable clients chez BBVA.
7 – Et les prix alors, qu’est-ce qu’ils disent les prix ?
Pour le moment, cela ne se ressent pas mais dans son rapport de stabilité financière de mai 2022, la Banque Centrale Européenne prévient : « Une hausse des taux d’intérêt réels pourrait déclencher une correction des prix de l’immobilier », comprendre, une chute. Selon l’institut monétaire, les prix de l’immobilier seraient surévalués en Europe, de 10 à 15% ces derniers mois. En cause, plusieurs ingrédients : les nouveaux critères de demande post COVID-19 (logements plus grands, possibilité d’installer un poste de travail, espace extérieur valorisé), les taux très bas et la limitation de l’offre. La hausse des taux pourrait donc tirer les prix vers le bas. Si vous souhaitez acheter en Espagne, n’hésitez pas à lire nos pages de localisations. Nous y parlons de l’immobilier à Barcelone et en Catalogne, à Madrid, à Valence et dans la Communauté Valencienne, l’Andalousie, les Baléares et les Canaries.
8 – Le marché entre dans une phase de turbulences mais avons-nous des raisons d’espérer ?
Oui ! Le tableau est pessimiste, la pression est là, mais il convient ici de relativiser. 1- Malgré un climat d’inquiétude, la demande reste très forte en Espagne. Les chiffres de l’INE le prouvent. Le mois de mars 2022 enregistre 18% de ventes de plus qu’en mars 2021, soit 43378. Le montant moyen des crédits signés a même augmenté de 6,5% et atteint 145.715 euros. 2- Le crédit est toujours bon marché ! De toute évidence, plus l’argent coûte cher, plus il va devenir difficile pour les acquéreurs potentiels qui ne disposent pas du capital nécessaire de l’emprunter. On l’a un peu oublié mais en temps normal, les taux immobiliers tournent autour de 2 à 3 %. Alors, certes, il faut tourner la page des taux négatifs mais ils sont si bas depuis plusieurs années que les hausses ne devraient pas -encore- plomber les portefeuilles des emprunteurs de manière dramatique. Et c’est heureux. Notre conseil : si vous avez un projet immobilier en cours, foncez. C’est le moment d’acheter avant la flambée. 3- Dans un contexte économique si troublé, la pierre reste une valeur refuge. 4- Depuis la pandémie, les foyers ont épargné. Ce matelas leur permet de faire face à des hausses, si elles restent raisonnables (l’épargne est évaluée à 170 milliards d’euros en Espagne comme en France). 5- Si l’argent coûte cher, alors les dettes contractées par les États vont elles aussi enfler. Or, depuis la pandémie du COVID-19, tous les états européens sont très endettés. L’action de la BCE est freinée par cette réalité car elle ne peut pas pénaliser l’ensemble des pays de la zone Euro. Restons vigilants. Réserver un rdv en ligne Se faire rappeler